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Chapitre 4 - Détente et conversation

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Le cristal tenait facilement dans la main et était façonné en un bloc composé de deux parties distinctes. La première était d’une forme brute, irrégulière et d’un blanc opaque. La seconde partie, un peu plus allongée que la première, était plus transparente et taillée en pointe. Dans quelle partie se trouvait l’esprit d’Inarian ? Elle le cacha à nouveau sous son épaulière. Elle ne devait surtout pas l’égarer. C’était le seul objet de valeur qu’elle possédait, hormis sa petite bourse qu’elle cacha également sous une partie de son armure. Puis elle resta devant cette table, totalement absente. Elle était si fatiguée. Était-ce judicieux de prendre un bain alors que ses yeux semblaient se refermer d’eux-mêmes ? Soudain elle sentit une odeur qui venait de ses aisselles. Si, un bain ne ferait certainement pas de mal. Avec son armure, la jeune femme ne la sentait pas. Et le combat l’avait trop préoccupée pour qu’elle fasse attention à ce genre de détail. Elle n’osera pas se représenter devant Mû avec une odeur pareille. Mais le jeune homme ne lui laissa pas le choix, il était déjà de retour. Cela faisait combien de temps qu’elle était plongée dans ses pensées ?

« La baignoire est prête Mademoiselle Hope.

Cette voix la tira vivement de ces songes. Elle se tourna vers lui.

— Merci Mû. Vous pouvez m’appeler Erika, ce sera plus court. Où se trouve votre salle d’eau ?

— À l’étage supérieur. Tu y seras tout de suite en sortant par cette fenêtre. Celle de la salle de bain est juste au-dessus.

— D’accord, je vous remercie.

— Je t’ai mis un peignoir pour te sécher et une serviette. Tes vêtements seront lavés et séchés pour demain.

— Mais enfin ? Vous n’avez pas besoin de faire ça. Vous n’êtes pas mon serviteur.

— Ne le ferais-tu pas pour un de tes invités fatigués ?

— Bah ? Si mais je ne vous demande pas de le faire.

— Va te détendre Erika, tu en as bien besoin. »

Paraissait-elle si tendue que cela ? La jeune femme passa d’une fenêtre à l’autre. Ce jeune homme était fort sympathique mais elle n’aimait pas tellement qu’on s’occupe d’elle. Elle était assez grande pour le faire. Elle arriva dans la salle de bain, une pièce d’une taille moyenne et dotée de décorations indiennes, simplistes mais colorées. Cette sobriété correspondait bien à son hôte qu’elle trouva d’une humilité déconcertante. Pourtant sa bienveillance l’avait tout de même touchée. La baignoire était au milieu de la pièce et de l’autre côté se trouvait un paravent en bois, sculpté sur la partie supérieure. Et en effet, il y avait un peignoir blanc posé dessus. Elle se déshabilla et posa ses vêtements à côté de celui-ci. Elle plongea doucement son corps dans l’eau parfumée aux huiles essentielles. L’eau n’était pas très chaude mais cela l’empêchera peut-être de s’endormir. Ce serait dommage de finir noyée. Elle trempa ses cheveux et fit couler de l’eau sur son visage. Elle vit des savons sur une petite table située le long de la baignoire, ainsi qu’une lame de rasoir.

« Je prends tes vêtements !

Erika eut un sursaut dans la baignoire. Elle s’était cognée le coude. Elle regarda autour d’elle tout en le massant pour soulager la douleur. Mais elle ne vit personne.

— Je suis derrière le paravent, n’aie crainte. Excuse-moi, je ne voulais pas t’effrayer.

— Ce n’est rien, fit-elle en se contenant.

— Je vais voir ce qui pourrait te convenir comme tenue.

— Ne vous embêtez pas autant que ça pour moi. Vous avez déjà été bien aimable.

— Ça ne me dérange pas.

— Un patient a plus besoin de vos soins que moi.

— Ne t’inquiètes pas, je m’occupe de lui aussi. Kiki m’aide à préparer le repas, nous passerons à table quand tu seras sortie.

— D’accord, je me hâte.

— Tu peux prendre les produits que tu souhaites ; et je t’ai mis un rasoir à disposition. N’aie pas peur de te servir. Je te laisse. »

Mû se téléporta dans une autre petite salle où il y avait un bac d’eau savonneuse. Il y trempa le linge souillé. Il n’y avait pas vraiment de taches, il avait juste besoin d’être rafraîchi. Ensuite il le rinça à l’eau claire puis le pendit sur un fil. Il se posait d’autres questions sur son invitée. À quoi ressemblait son monde ? Était-il comme le leur ou totalement différent ? À quel point son ennemi pouvait-il être dangereux ? Elle semblait déterminée à le retrouver ; il n’était donc pas si anodin. Un soldat ne chercherait pas quelqu’un s’il n’était pas nuisible. Par conséquent, quel danger les menaçait ? Quelle expérience a-t-elle du combat ? Elle est tellement jeune. Et qu’avait-elle caché sous cette épaulière ? Il n’avait pas bien vu ce que c’était et il n’aurait pas l’indélicatesse de jeter un coup d’œil sous cette épaulière. Quelques instants plus tard, le maître retourna auprès de Kiki au deuxième niveau. Un feu crépitait dans le foyer au milieu de la pièce, apportant ainsi une douce chaleur. Shiryû était encore inconscient. Le temps sembla un peu long pour le maître.

« Erika a bien du mal à arriver, dit-il en réfléchissant. Oh ? J’ai oublié de lui apporter du linge. Je reviens tout de suite.

Mû se téléporta jusqu’au cinquième étage. Il chercha dans son armoire des vêtements qui pourrait convenir à la demoiselle. Quelque chose de pas trop grand. C’était un peu compliqué car il n’avait pas la même corpulence qu’elle. Il prit un pantalon, un haut puis il s’éclipsa au niveau inférieur. Erika finissait de nouer le nœud du peignoir. Ses cheveux ondulés montraient qu’elle venait de les tordre. Elle prit une serviette et les sécha.

- Voici quelques vêtements.

Sa voix ne manqua pas de la faire sursauter encore une fois. Elle se tourna vers lui.

- Il y a longtemps que vous êtes là ?

- Je viens d’arriver, ne charge pas, se moqua-t-il.

- Vous trouvez ça drôle ?

- Je suis navré. Je t’assure que je n’ai rien vu. (Il s’avança vers elle et déposa les vêtements sur la table.) Ils seront un peu grands pour toi. Je n’ai pas de tenues pour les femmes.

La voix du maître dégageait une certaine désolation. Ceci chiffonna un peu Erika. Avait-elle été trop brusque avec lui ? Elle ne s’en était pas aperçue. Alors elle tâcha de se modérer.

- Ça ira très bien je vous remercie, fit-elle d’une voix plus douce. J’aimerais m’habiller maintenant. Je vais faire vite. »

Il parut satisfait, puis il se téléporta. Erika se mit à souffler tristement. Cette aventure, elle ne l’avait pas vraiment voulu. Au contraire elle s’en passerait bien. Mais ces gens n’avaient pas à supporter sa mauvaise humeur. Une fois bien sèche, elle endossa la tunique bleue à col rond. Seulement, elle s’arrêtait au milieu de ses cuisses. Elle enfila le pantalon noir et le remonta le plus possible et utilisa la ceinture du peignoir pour le maintenir. Elle replia ensuite les bords selon sa taille. Après elle jeta un œil sur le miroir mural, histoire de remettre ses cheveux en place. Elle lévita par-delà la fenêtre et rejoignit les autres. Elle s’assit près de Kiki, faisant face à Mû. Le petit garçon lui tendit un bol avec du curry de poisson. Elle le remercia et en prit une fourchette. C’était un plat qu’elle ne connaissait pas. Puis elle afficha un drôle d’air.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda le gamin. Ce n’est pas bon ?

Erika se sentit rougir, elle ne pensait pas que son hésitation serait remarquée. De plus elle ressentait le regard pesant de Mû et cela la stressait plutôt qu’autre chose.

— Je n’ai pas mis de piment pourtant.

Du fait de cette remarque, elle rougit encore plus.

— Non ce n’est pas ça. Il y a un goût que je ne reconnais pas. C’est quoi ce plat ?

— C’est du poisson avec du curry et du riz.

— Ah ? Alors ça a ce goût-là le curry ? Les marchands voyageurs en avaient déjà parlé mais je n’en avais jamais goûté.

Ce regard constant finit par vraiment gêner la demoiselle.

— Mû, si vous avez des questions posez-les moi. Mais je vous en prie, arrêtez de me fixer ainsi.

Le maître fut quelque peu surpris par cette réflexion. Mais il accepta son invitation à converser.

— Ça fait combien de temps que tu te bats ? Et pourquoi tu ne portes pas de masque ?

— Une question à la fois. Je n’ai pas besoin d’un masque puisque je porte un casque lors de mes combats. Les années, je pourrais ne plus les compter. Mais depuis fort longtemps, je sers les esprits de Laethion.

— Pourquoi servir des esprits ? questionna Kiki.

— Les esprits étaient des dieux avant. Mais ils se sont sacrifiés pour nous protéger contre Lokhan, Obsina et Ugul lors des temps anciens.

— Ugul, c’est celui qui s’est introduit chez nous ? s’assura le maître.

— Oui. Il est l’esprit du mal. Obsina est la déesse de la magie noire, la déesse créée par Lokhan, le dieu de la mort. Je dois retrouver Ugul avant qu’il ne trouve un corps pour s’y loger.

— Mais il pourrait utiliser n’importe quel corps, remarqua Kiki.

— Non. Les histoires racontent qu’il faut un corps pur afin d’accueillir un esprit maléfique. Mais c’est faux, ou du moins pas totalement vrai. Pour cet esprit-là, seul un corps ayant déjà un esprit profondément mauvais et de préférence puissant correspondra à Ugul. Il ne prendra pas la peine d’affronter un être au cœur pur. Ça lui demanderait trop d’efforts pour l’affaiblir. Où peut-il trouver un tel corps chez vous ?

— Ce ne sont pas les candidats qui manquent, avoua Mû.

Erika baissa les yeux.

— À quoi il ressemble ton monde ? poursuivit Kiki.

Erika ne s’attendait pas à cette question. Elle hésita un peu.

— Eh bien… Je ne saurais comment te répondre. Déjà là d’où je viens ce n’est pas désertique comme ici. Là nous sommes en pleine montagne. De l’autre côté de la porte, c’est une vallée verdoyante. Ici la porte de Laethion est cachée quelque part dans les montagnes, dissimulée dans un recoin. De l’autre côté elle est dans ma maison et j’en suis la gardienne.

— Si t’en es la gardienne, comment cet esprit a pu s’introduire chez nous ? questionna grossièrement le petit.

— Kiki ! reprit le maître.

Erika fit grise mine.

— Ugul a profité de mon absence. Un petit garçon d’environ ton âge est venu me chercher en catastrophe. Des brigands s’en prenaient à sa famille alors je l’ai suivi pour leur porter secours. Seulement dans la précipitation, j’ai oublié d’activer le sortilège.

— Le sortilège ? C’est-à-dire ? encouragea Mû.

— Je connais un sortilège qui empêche quiconque d’entrer chez moi pendant mon absence ; qu’il soit humain ou esprit. Personne ne peut entrer tant que je ne l’ai pas levé.

— Les monstres ? demanda Kiki en plaisantant.

— Oui, même les monstres.

— Oh ? s’étonna-t-il. Je disais ça pour rigoler.

— Il existe des créatures effrayantes chez moi. Vous n’en avez pas vous ? Votre monde est-il si calme ?

— Nous avons beaucoup de légendes, ajouta Mû. Si, nous avons des montres mais ce sont des créatures mythiques.

— Chez moi elles existent bel et bien. Par exemple, les hatares et les exsorbes nous posent beaucoup de problèmes. Certains shaglin aussi d’ailleurs mais c’est moins courant que les autres espèces. Toutefois on préfère s’en méfier, ce sont des bêtes sauvages à la base.

Le regard plus qu’interrogateur des deux hommes obligea Erika à être plus clair dans son récit.

— Les hatares sont des créatures mi-homme mi-loup.

— Ah ! Des loups-garous ? questionna Kiki.

— Un peu oui. Seulement on ne naît pas hatare, on le devient. Les hatares sont des hommes ensorcelés. Beaucoup d’initiés cherchent un remède mais les résultats de leurs recherches sont loin d’être suffisants.

— Qu’est-ce qu’un initié ?

— Des gens comme vous et moi, des personnes pouvant faire usage de la magie. Les shaglin, ce sont des panthères noires avec des ailes velues. Et les exsorbes sont des hommes qui puisent votre énergie jusqu’à votre dernier souffle. Ils sont difficiles à détecter car ils ressemblent beaucoup aux humains. Quand on s’aperçoit qu’on en a un en face de nous, il est déjà trop tard pour un simple mortel sans défense. Toutefois je n’en ai jamais vu. Mais je ne vais pas vous faire l’inventaire de toutes nos créatures. Ça risque d’être long.

— Puis-je me permettre une autre question un peu plus indiscrète ? se risqua Mû.

La jeune femme acquiesça.

— Qu’as-tu caché sous ton épaulière ? Ça ressemblait à une pierre.

— Le cristal d’Inarian. Il me servira à enfermer Ugul.

— Il est si dangereux que ça ?

— Pour l’instant Ugul n’a jamais su obtenir le corps qu’il voulait. Il s’amuse à pousser les âmes dépravées au crime. J’ignore à quel point il peut être redoutable. Mais je sais qu’il a eu une influence lors de la Grande Bataille. La pierre qui a été donné à Kriga, une des gardiennes de Laethion, venait de lui. Il y avait une partie de son âme à l’intérieur, tout comme Inarian dans ce cristal. Kriga fut une adversaire effroyable. Mais les gardiens ont su en venir à bout.

— Comment a-t-il pu posséder une gardienne si le corps qu’il cherche doit être à l’avance mauvais ? demanda Kiki.

— Kriga était une femme fière. Elle venait de sang royal et elle était très bien entraînée. Seulement elle avait ses convictions et un sale caractère. Même la femme elfe, Ilianë, était plus supportable qu’elle ; pourtant elle avait aussi une grande force d’âme. Les elfes sont plus sages que nous. Ce sont de grands guerriers et les humains les respectent profondément. Je pense qu’Ugul a juste voulu retourner Kriga contre nous pour qu’elle nous cause le plus de dégâts possibles. Il ne l’avait pas entièrement possédé. »

Erika vit que les assiettes étaient vides depuis quelques minutes déjà. Elle proposa d’aider à faire la vaisselle. Mû accepta et elle le suivit à l’évier. Lui la lavait, elle la ressuyait et Kiki rangeait. Ensuite il partit à l’atelier pour terminer de réparer l’armure de Pégase. Bien curieuse, elle lui demanda si elle pouvait voir comment il s’y prenait. Il n’y vit aucun inconvénient. Sous le regard attentif de la jeune femme, il se remit au travail avec en main un marteau et un burin en or. C’était un travail de longue haleine mine de rien ; même s’il alternait les coups de marteau avec sa magie.

Date de dernière mise à jour : 2021-01-26

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