Chapitre 6 - En fuite

Chapitre 6 en fuite

Quelques semaines passèrent, Desideria se sentait un peu plus à l’aise au sanctuaire. Elle avait son train-train quotidien et la boule fantôme semblait disparue. Par contre elle faisait souvent un bout de chemin soit avec Misty, soit avec Astérion. Décidément elle n’arrivait pas à s’en défaire ; et elle n’osait pas les envoyer balader. Elle songeait encore moins à leur parler du fantôme, ils la prendraient pour une folle. Le soir tomba et Desideria était couchée dans son lit. Allongée sur le ventre, elle ferma les yeux et somnola en baillant quelquefois. La nuit était fraîche et calme. Pas un bruit, la jeune femme commençait à s’endormir. Toutefois elle ressentit une sensation étrange ; comme si on cherchait à la tirer de son sommeil. Pourtant elle ne sentait personne la secouer. Qui pouvait bien la réveiller à une heure pareille ? Le pire c’est qu’il insistait grossièrement le bougre, il voulait vraiment qu’elle s’éveille. Alors Desideria se tourna en ouvrant lentement les yeux pour savoir qui l’importunait ainsi. Seulement ce n’était pas un homme. C’était lumineux et flou, un visage vaporeux qui l'effraya. Elle cria en se levant rapidement puis elle sortit de sa chambre et même de la maison. Le fantôme était de retour. Mais que lui voulait-il ? La demoiselle courut vers le sanctuaire. Elle ignorait jusqu’où elle irait toutefois elle ne voulait pas rester chez elle. « Non ne t’enfuis pas, j’ai besoin de toi » fit le fantôme. Mais Desideria était trop loin pour entendre quoi que ce soit. Était-elle seulement capable de comprendre la moindre parole venant de lui ?

 

Elle s’avançait progressivement vers les temples. Tout le monde dormait, il n’y avait pas âme qui vive dans les rues du sanctuaire. Peut-être devait-elle en parler au Grand Pope. « Le plus vite sera le mieux » se disait-elle. Mais elle s’arrêta subitement devant le temple du Verseau. « Est-ce judicieux de le réveiller pour une histoire de fantôme ? » se demanda-t-elle ensuite. Elle n’avait pas envie de se retrouver dans un asile pour les fous, encore moins de subir son courroux. « Aquarius ? » Peut-être pouvait-elle passer la nuit à l’entrée, elle repartirait tôt dans la matinée. Le problème, c’est qu’elle n’arrivait pas à dormir. Et si le fantôme l’avait suivi jusqu’ici ? Sa crainte l’empêchait de rentrer chez elle. Desideria regarda l’horizon et il lui sembla distinguer une lueur. Sans réfléchir elle se réfugia à l’intérieur. Si jamais Camus la surprenait, elle lui expliquerait. Peut-être qu’il ne lui en voudra pas de se cacher dans son temple. Était-ce bien le fantôme qu’elle avait aperçu ? Elle n’en était pas certaine ; cela aurait pu être un reflet. Mais elle n’osait pas sortir du temple, elle avait encore les jambes en coton. Le vent commençait à monter et à s’engouffrer dans le rez-de-chaussée. Desideria n’était pas très couverte avec sa petite nuisette, elle avait froid à ses épaules, aux bras et aux jambes ; partout en fait. Elle monta quelque peu les escaliers afin d'être moins exposée au vent. Pieds nus, elle resta la plus discrète possible pour ne pas réveiller Camus.

 

Apparemment il n’y avait pas de porte dans ce temple. Surprenant. Le sanctuaire était-il si bien gardé pour ne craindre aucun cambriolage ? Ou ses occupants étaient-ils si puissants que les voleurs n'osaient pas venir ? Vu comment Camus avait « traité » son élève la dernière fois que Desideria l’avait vu, effectivement elle ne s’amuserait pas à l’énerver. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle resta silencieuse, elle ne voulait pas le rendre furieux. Mais pourquoi l’imaginer ainsi ? Lui ferait-il si peur ? Il n’y avait pas un bruit venant de l’étage. Le chevalier était-il vraiment là ? Fallait-il vérifier sa présence ou guetter son arrivée ? La deuxième option était trop aléatoire, cela irait plus vite de voir s’il était dans sa chambre. Mais si jamais il ne dormait pas ? Il ne serait pas content de constater qu'elle s'était introduite chez lui ainsi. Puis une autre lueur l’incita à entrer silencieusement davantage. Camus était bien là dans son lit. Desideria pouvait entendre sa respiration régulière. Il dormait pour son plus grand soulagement. Elle regarda à nouveau dans l’escalier. La lueur avait disparu. Qu’est-ce qui avait bien pu l’alarmer comme cela ? Encore un reflet ? La lune éclairait assez nettement la pièce. Curieuse, elle s’approcha du lit. Le drap était relevé jusqu’à l’abdomen du jeune homme. La demoiselle le contempla d’un doux regard pendant quelques minutes. Depuis son arrivée au sanctuaire, c’était une des plus belles images qu’elle ait vu jusqu’à présent. Son cœur s’accéléra et une chaleur l’envahit tout à coup. « Et Misty se disait être le plus beau des chevaliers, se moqua-t-elle intérieurement. Camus n’a rien à lui envier… Mais ? Que suis-je en train de faire ?? C’est un comportement pervers ! fit-elle en haletant. Il faut que je parte d’ici. » Camus avait entendu son souffle, il bougea un peu. Elle recula nerveusement et fit basculer un guéridon. Cette fois le chevalier se leva d’un coup et vit une femme, debout juste devant lui. Le haut de sa silhouette était dissimulé dans l’ombre.

 

« Qui est là ? Qu’est-ce que vous faites ici ?! Desideria prit la fuite. « Je n’aurais pas dû venir » se disait-elle. Il sortit de son lit. Attendez ! » Il enfila vite fait son pantalon et parcourut les escaliers. La demoiselle était déjà partie. Apparemment elle courait vite mais il n’avait pas l’intention de la laisser s’échapper. Camus l’aperçut au loin, elle était presque arrivée au temple du Capricorne. Elle semblait avoir les cheveux mi-longs. Arrêtez-vous ! somma-t-il. Mais elle continuait de courir. Qui cela pouvait bien être ? Une concubine du Grand Pope ? Peuh ! Il pouvait se les garder, il n’en voulait pas ! Desideria descendait les escaliers en trombe ; ses jambes commençaient à bouillonner. Cela faisait deux fois cette nuit qu’elle prenait la fuite. Elle arriva au niveau du temple du Sagittaire. Elle passa à travers les colonnades pour gagner du terrain mais quand elle voulut s’en éloigner un homme l’agrippa par derrière en posant sa main sur sa bouche et l’emmena à l’intérieur.

 

« Cesse de gesticuler, lui ordonna Milo. Cache-toi dans le temple et ne t’enfuis surtout pas. (La demoiselle s’exécuta et partit rapidement se cacher. Le chevalier du Scorpion sortit ensuite et croisa Camus.) Tu pourrais t’habiller convenablement avant de partir en vadrouille.

— Milo, as-tu vu passer une femme ?

— Camus, tu es réveillé. Si tu as vu une femme c’était probablement dans tes rêves.

— Ne te moque pas de moi ! Où est-elle ?

— Qui ça ? Tu as pu voir au moins qui c’était ? Et qu’a-t-elle fait ?

— Elle s’est introduite dans ma chambre et je ne sais pas pourquoi. Qu’est-ce qu’elle faisait là ?

— Bon j’imagine que tu n’as pas vu de qui il s’agissait. Non je n’ai vu personne. Mais je suppose qu’elle est juste venue t’admirer pendant ton sommeil.

— J’espère que ce n’est pas une concubine du Grand Pope. Encore une chose que je n’apprécie pas chez lui. L’ancien Pope n’était pas comme ça, à vouloir des femmes autour de lui. Quelle image donne-t-il du sanctuaire ?!

— Oui, c’est un aspect que je n’apprécie pas non plus.

— Au fait, que fais-tu debout à cette heure ?

— Je reviens d’une mission dont je me serais bien passé. Bon, de toute façon elle est partie ta demoiselle, retourne te coucher et n’y pense plus.

— Facile à dire, je ne vais pas me rendormir de si tôt. Tu es sûr de ne pas l’avoir vu ?

— Absolument.

Camus se tourna en saluant l’autre chevalier et rentra chez lui. Milo retourna dans le temple.

— Tu peux te montrer maintenant, il est parti.

— On ne risque pas de déranger ici ? demanda la demoiselle en sortant de l’ombre.

— Il n’y a plus de chevalier du Sagittaire depuis un moment. Ce temple est désert.

— Oh. Merci de m’avoir aidé.

Milo afficha un sourire moqueur.

— Que faisais-tu dans la chambre de Camus ?

Cette question ne manqua de la faire rougir. Heureusement que la lune lui donnait un teint pâle, cela se voyait moins.

— Je… Hum, vous allez me prendre pour une folle si je vous le dis.

— Essaie toujours.

Les lèvres de Desideria restèrent d’abord scellées. C’était difficile à avouer ce genre de chose ; surtout quand quelqu’un vous a dangereusement poursuivi.

— J’ai vu un orbe.

— Un orbe ? dit Milo, dubitatif. T’es sûre que tu ne voulais pas plutôt voir Camus ?

— Oh mais non. Au départ je voulais voir le Grand Pope, mais je me suis arrêtée en cours de route. Depuis qu’on est passé près du cimetière lors de la visite, je vois un fantôme.

— Tu crois au fantôme toi ?

Elle baissant les yeux. Elle se doutait bien qu'il ne la croirait pas. Pourquoi en serait-il autrement ?

— Oui. Vous allez le dire au Grand Pope ?

— Je ne suis pas sûr que ce genre d’information l’intéresse vraiment. Donc tu vois des fantômes. Et qu’est-ce qu’ils te veulent ? Ont-ils l’air menaçant ?

— Je ne sais pas, je n’ose pas l’approcher.

— Est-ce que tu vois des hommes en armure ?

— Non, juste un orbe, une boule fantôme, rien de plus.

— Un feu follet ? Tu ne risques pas grand-chose, ne t’inquiète pas. Tu veux que je te raccompagne ?

— Ça ne vous dérange pas ?

— Non. Avec un peu de chance, peut-être que je verrai ton feu follet. À moins que tu préfères que je t’escorte jusqu’au temple du Verseau.

— Non non, je préfère… rentrer.

— Allons ne t’en fais pas. Que dirait Camus si tu fuyais sans cesse ? Viens avec moi, il est déjà tard. (C’est sûr qu’il ne s’intéresserait pas du tout à elle. Que pourrait-il faire avec une trouillarde ? Seulement Desideria était facilement intimidée par Camus. Il ne lui fallait pas grand-chose pour la faire trembler.) Et pourquoi t’impressionne-t-il autant ?

— En fait depuis mon arrivée ici, je ne me suis jamais vraiment sentie à l’aise avec qui que ce soit, malgré les repères que j’ai. J’ai l’impression d’être épiée, comme si on espionnait mes moindres faits et gestes.

— De quoi parles-tu ?

— Je suis peut-être sensible et tout ce qu’il y a de plus simple, mais je ne suis pas idiote. Je sais qu’on m’a fait surveiller. Sinon pourquoi Astérion et Misty serait sans cesse en train de me suivre ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter une telle vigilance ?

— On dit que tu es une nécromancienne, que tu réveilles les morts.

— Quoi ?! Mais c’est faux ! Je ne vais pas réveiller des morts alors qu’ils me font peur, surtout les zombies. J’ai horreur de ça.

— Tu fuis face à un fantôme alors je doute en effet que tu puisses les réveiller.

— Qui vous a raconté de telles sornettes ?

— C’est ce que le prisonnier a dit au Grand Pope.

— Le prisonnier ?

— L’homme qui te poursuivait.

— Cet homme voulait me tuer. Il a entendu des rumeurs à mon sujet et il s’est mis en tête de brûler une sorcière. Sauf que je n’en suis pas une, je n’ai aucun pouvoir !

— Excepté voir les fantômes.

— Ce n’est pas un pouvoir ça. Je ne l’ai pas choisi, loin de là. Au contraire, je préférerais ne pas les voir et vivre tranquillement.

— Tu les vois tous ?

— Non, seulement ceux qui se manifestent à moi. Le problème c’est que je n’ai aucun moyen de savoir ce qu’ils me veulent. S’ils cherchent à communiquer avec moi c’est raté. Ils ne me parlent pas. »

 

Par cette conversation Milo supposait bien que Desideria était loin de représenter un danger pour le sanctuaire. Il aimerait en faire part au Grand Pope seulement ce n’était pas lui qui était en charge de la surveiller mais Camus. Une discussion avec lui s’imposait et Milo devrait donc avouer qu’il avait bien vu la demoiselle. Tant pis, au moins Camus pourra vite se défaire de cette mission. Les deux jeunes gens arrivèrent devant la petite maison. Milo l’inspecta rapidement mais ne vit et ne sentit rien d’anormal. Elle pouvait retourner se coucher sans crainte. Le chevalier lui souhaita une bonne nuit et regagna dans son temple. Cependant Desideria n'avait pas su de rendormir.

Date de dernière mise à jour : 2020-08-17

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