Chapitre 11 - Le remède

Chapitre 11

Le lendemain, Sorrento s’éveilla en premier. Il contemplait la demi-elfe qui reposait dans ses bras en espérant qu’elle ait bien dormi. Il aimerait profiter de cet instant pour aller chercher le petit déjeuner. Il pourrait téléphoner au service dédié seulement il redoutait de la réveiller et par conséquent de gâcher la surprise. Il n’en avait pas pour longtemps. Il sortit doucement du lit et partit s’habiller dans la salle de bain en faisant le moins de bruit possible. Dans sa chambre, Julian s’éveilla lui aussi. Il se redressa et s’étira. Il appela le room Service pour avoir son repas. Le personnel lui apporta assez rapidement. Il connaissait les habitudes du propriétaire. Il n’attendait plus que son coup de fil pour le lui amener sans le faire patienter. Le majordome revint dans la chambre éclairée naturellement par le hublot, Enliana semblait toujours endormie. Tant mieux. Il voulait qu’elle se réveille avec son plateau-repas sur le lit. Une petite attention qui pourrait lui mettre du baume au cœur et chasser progressivement ses idées noires. Lui rendre le sourire peut-être ? Il sortit discrètement.

 

La jeune femme traîna un peu avant de se redresser sur le lit. Il était enfin parti. À ce moment même, Julian eut les yeux étincelants. Il était devenu un autre homme. Il pressentait quelque chose d’anormal, alors il sortit de sa chambre pour se diriger vers celle du majordome. Son visage resta impassible et il n’accordait aucune attention particulière aux gens qu’il croisait dans les couloirs. Enliana se dirigea vers la petite armoire et prit son sac. Elle en sortit la dague de sa mère. Il fixa et caressa la lame. Elle fut comme hypnotisée par celle-ci. C’était par elle qu'Hildarel trouva la mort lorsqu'elle est venue la chercher aux enfers d'Hadès. Que se serait-il passé si elle n’avait pas été coupée par cette maudite lame ? Il s’approchait rapidement, Julian n’était plus très loin. Il ne répondait même pas à ceux qui lui adressaient jovialement un bonjour. Il suffirait d’une seule piqûre pour atteindre le point de non-retour. Le poison que cette arme contient se propagerait lentement dans son corps, grisant ainsi sa peau. Une seule piqûre et ce cauchemar sera fini. La demi-elfe approcha son doigt de la pointe. Julian ouvrit la porte sans frapper, ce qui interrompit le geste de la demoiselle. Enliana se retourna et l'homme vit l'arme qu'elle tenait dans ses mains.

 

« On ne vous a jamais appris à frapper avant d’entrer ? (Il ne répondit pas à cette remarque. Il se contenta d'observer la demoiselle encore en nuisette. Il s’avança, elle recula nerveusement.) Ne vous approchez pas !

Il lui prit l'arme sans trop de problèmes. En fait, elle s’était un peu débattue, mais le bougre avait une sacrée force.

— Où avez-vous eu cette dague ?

— Depuis quand me vouvoyez-vous ? C’est celle de ma mère.

— Que comptiez-vous faire avec ça ?

— Cela ne vous regarde pas, Julian.

— Je ne suis pas Julian. Un jeune homme a fait appel à moi car il s’inquiète pour vous.

Il manipula la dague afin de l’examiner.

— Ne vous coupez pas avec ! Elle est empoisonnée.

— Alors c’est ainsi que vous vouliez finir vos jours ?

Il s’approcha du hublot et l’ouvrit.

— Qu’est-ce que vous faites ?!

Le jeune homme fit passer son bras et lâcha la lame. L'objet coula profondément jusque dans les abysses, là où il ne sera plus jamais retrouvé.

— Julian ! Qu’est-ce qui vous prend ?!

Il se tourna vers elle puis s’assit sur le lit.

— Je vous ai déjà dit que je n’étais pas Julian. Asseyez-vous près de moi, nous avons à discuter tous les deux.

Elle hésita longuement.

— Dans ce cas, qui êtes-vous ?

— Je suis Poséidon, Dieu des océans. Maintenant sois gentille et assieds-toi. (Elle se posa sur le lit à une certaine distance de lui.) Ces derniers temps Sorrento a beaucoup prié pour toi. Je n’ose imaginer ce que tu lui fais endurer. C’est un loyal marina, mais quand il a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs. J’ai décidé de répondre à sa demande pour faire cesser ce harcèlement.

— Harcèlement ?

— Oui, toutes les nuits depuis quelques semaines j’ai droit à ses prières. Je fais comment pour dormir tranquillement moi ? Voyons. Tu me parles d’une dague empoisonnée. Pourquoi veux-tu t’offrir cette mort ?

— Vous avez vu mes oreilles ? Je suis une demi-elfe, condamnée à vivre seule jusqu’à la fin de mes jours. Vous parlez d’une vie, autant mourir tout de suite.

— Votre mère est morte, n’est-ce pas ? Comment est-ce arrivé ?

Enliana le regarda stupéfaite. Comment savait-il cela ?

— Elle est morte aux enfers d’Hadès. Elle m’a donné ses dernières forces pour que je puisse vivre.

— Alors elle voulait que vous viviez. Quelle façon étrange de la remercier. Et Sorrento ? Avez-vous pensé à sa réaction lorsqu’il découvrira votre corps inanimé ? Il serait effondré. (Enliana posa ses mains sur le visage. Elle avait honte mais elle voulait surtout dissimuler ses larmes. Il s'approcha d'elle et lui caressa le dos afin d'apaiser ses sanglots.) Allons jeune fille, la situation n’est pas si dramatique.

— Je n’en peux plus… Je n’en peux plus de vivre ainsi. (Elle essuya ses larmes.) Je n’ai ma place nulle part. Je ne suis pas une elfe et encore moins humaine.

— Oui je peux comprendre votre mal-être. Mais aujourd’hui vous avez de la chance, je suis là pour résoudre ce problème.

Elle le regarda enfin.

— Comment comptez-vous vous y prendre ?

— Je peux vous donner la forme que vous souhaitez. Demi-elfe ? Vous avez peut-être certains pouvoirs. Non ?

— Si.

— Alors si vous voulez que je modifie ce que vous êtes, il faudra y renoncer.

— Mais je n’aurai plus rien pour me défendre.

— Vous avez Sorrento et Julian. C’est suffisant pour assurer votre sécurité… Alors ? Que décidez-vous? Vivre une belle vie avec le marina ou une vie de souffrance ?

— Je n’ai plus vraiment le choix maintenant. Que dois-je faire pour renoncer à mes dons ?

— Vous, rien. Laissez-moi agir.

Sans tarder, le jeune homme posa ses lèvres sur les siennes en lui caressant le flanc. Au début elle voulait le repousser, mais elle perçut quelque chose de bizarre en elle. C’était très chaleureux, une lumière intense illumina la chambre. Elle n’en croyait pas ses yeux. Que se passait-il ? Quelque chose semblait être attiré vers lui et elle ressentit une transformation au niveau de ses oreilles. Les mains sur ses hanches, le jeune homme arrêta enfin le baiser. La chambre redevint normale.

— Que s’est-il passé ?

— Il y a eu un transfert de pouvoir et j’ai changé vos oreilles.

— C’est vrai ?! Bougez pas, j’arrive ! (La jeune femme se hâta vers la salle de bain, suivie du regard par ce seigneur amusé par sa précipitation. Elle fixa le miroir et constata qu’il disait vrai. Ses oreilles n’étaient plus en pointe. Elle fut stupéfaite. Et ses pouvoirs ? Elle tenta de faire apparaître ses petites feuilles tranchantes comme des rasoirs, mais aucune n’apparut. Son corps avait sensiblement changé. Elle retourna dans la chambre, les larmes aux yeux et enlaça Julian… enfin le dieu.) Merci beaucoup.

Il lui fit une petite accolade.

— C’est bien la première fois que quelqu’un me remercie de l’avoir dégradé.

— Bah.... il y a un début à tout.

Il sourit.

— Désormais vous êtes humaine. Vous aurez donc la même espérance de vie que n’importe qui d’autre.

— Aucun souci. Par contre, en toute franchise, le baiser... était-il vraiment nécessaire ?

— J’avoue que… je ne voulais pas être réveillé uniquement pour un transfert de pouvoirs alors… je me suis fait un peu plaisir.

Elle prit une voix grave, mais elle n’était pas tellement rancunière.

— Je m’en doutais.

— Adieu mademoiselle.

Sa mission terminée, le dieu rendit le corps de son hôte. Julian fut surpris de se retrouver dans la chambre de Sorrento avec la demoiselle dans les bras.

— Euh… Enliana ? Ce n’est pas que je ne t’aime pas mais tu peux me lâcher s’il te plaît ?

— Oh pardon ! fit-elle en rougissant. Ce n'est pas moi qui… C’est le dieu… je voulais juste le remercier, c’est tout.

— Tiens donc ? Poséidon a repris possession de mon corps ? Pourquoi ? Hey ?! Mais tes oreilles ont changé !

— Oui, c’est lui qui a modifié mon apparence ! lui expliqua-t-elle, enjouée. Je suis comme vous maintenant.

Il y a longtemps que Julian n’avait pas vu le sourire d’Enliana. Et cela faisait du bien de le voir à nouveau.

— Donc tu n’auras plus d’idées noires ?

— Je crois que non. Je vais pouvoir vivre normalement.

— Tant mieux. Sorrento en sera ravi. Il ne te le dit pas mais… il est très amoureux de toi. Ta perte lui aurait brisé le cœur. (Quelqu’un ouvrit la porte à ce moment-là et fut étonné par ce qu’il voyait.) Eh bien, quand on parle de lui, le voici.

— Oh ! Je voulais faire une surprise à Enliana. C’est raté.

— Excuse-moi Sorrento, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Passez une bonne journée. »

 

Le jeune homme se leva et sortit de la chambre. Le majordome entra avec un plateau rempli de bonnes choses. Elle referma la porte derrière lui puis ils déjeunèrent sur la petite table ronde. Cette fois il y avait des viennoiseries avec du café et du lait au chocolat. Sorrento lui demanda ce que Julian faisait dans leur chambre, alors elle lui expliqua ce que Poséidon avait fait pour elle, en occultant la partie « petit bisou ». Ça, il n’était pas obligé de le savoir. Et si Julian avait raison au sujet de ses sentiments, il serait très fâché. « Je suis content que tu te sentes mieux. Tu vas enfin pouvoir exister sereinement. »

Date de dernière mise à jour : 2020-08-19

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