Chapitre 3 - Le duel

Chapitre 10

Elle lévita pour atteindre le deuxième niveau. Elle découvrit un homme musclé, aux cheveux longs de couleur ébène, alité et totalement inconscient. Erika pensa qu’il s’agissait de Mû. Elle s’approcha de lui et l’examina. Sa pâleur l’inquiéta énormément. Depuis combien de temps était-il dans cet état ? Et pourquoi Kiki ne lui avait rien dit ? D’ailleurs il avait besoin d’aide, il fallait faire vite. Le chevalier parcourut l’étage pour monter mais il ne pouvait pas depuis l’intérieur.

« Mais il n’y a pas d’escalier ici ?! s’angoissa-t-elle.

— Erika ! Vite !

— J’arrive Kiki ! »

Erika sauta par la fenêtre et lévita jusqu’au troisième niveau. Dans la pièce elle observa le petit garçon qui était par terre, tout effrayé. Devant lui se tenait un grand homme aux cheveux longs et mauves. Il semblait porter un pantalon vert et des bottines avec des lacets qui lui montaient jusqu’aux genoux. Il s’apprêtait à lever la main sur le gamin. « Arrêtez ! cria-t-elle nerveusement. Laissez-le tranquille ! » Un sourire se dessina sur le visage de l’intrus ; sourire qui s’effaça bien vite. L’homme interpelé se retourna lentement ; le temps sembla s’arrêter à cet instant. Ce jeune homme dégageait une prestance magistrale. Mais Erika ne devait pas se laisser impressionner, ou du moins ne devait pas le faire savoir. Kiki se cacha derrière un gros coffre doré recouvert d’un drap clair. Bien protégée par son armure, la jeune femme était plutôt confiante. Son heaume n’avait qu’une fente ; elle ne craignait donc rien.

« Je suppose que tu es son père, fit l’homme d’une voix posée.

— Non, répondit-elle en hochant la tête, mais je ne vous laisserai pas lui faire de mal.

— Tu ne peux rien faire contre moi, jeune homme. Ton armure est défaillante et n’a que peu de valeur.

Frustrée par cette insulte infondée, la jeune femme sortit son épée du fourreau et la tint devant elle. Sa poignée était assez grande pour accueillir ses deux mains et était recouverte de cuir noir. Son pommeau était rond et sa lame élancée était fine et creusée en son milieu.

— Peu importe mon armure, répliqua-t-elle. Vous n’en avez pas. Je vous le répète, vous ne toucherez pas à ce garçon !

— En voilà un brave guerrier. On voit que tu ignores qui je suis.

— C’est réciproque ! D’ailleurs pourrais-je savoir qui vous êtes ?!

L’homme lui fit un sourire narquois.

— Tu vas vite le découvrir. Sache que je n’aurai aucune pitié pour toi. Voyons jusqu’où ira ta bravoure.

Erika ne le lâchait pas des yeux. Les deux adversaires attendirent quelques instants. Qui allait attaquer le premier ?

— Qu’attends-tu ? lui fit-il. Aurais-tu finalement peur de moi ? Je le comprendrais bien tu sais.

— Moi ?! s’offusqua-t-elle. Avoir peur de vous ? Ne me faites pas rire !

— Alors attaque dans ce cas !

— Jamais en premier. À vous l’honneur.

— Je t’ai offert une chance d’avoir le dessus sur moi. Tu l’as délaissé. Tant pis pour toi. »

Il tendit son bras droit et la poignée d’un katana vint se loger dans le creux de sa main. Savoir qu’il détenait des pouvoirs psycho-kinésiques ne rassurait pas du tout le chevalier Hope. Ce n’était pas qu’un simple voleur. Mais la jeune femme ne pouvait plus faire marche arrière. L’homme se précipita vers elle et frappa d’une force inouïe. Même si Erika avait su parer le coup, la puissance de son ennemi était en train de l’écraser. Elle la laissa s’échapper dans le vide tout en frappant son pommeau dans le dos. Elle s’éloigna un peu pour lui laisser le temps de se redresser. Il se tourna vers elle, toujours aussi calme.

« Pas mal jeune homme mais très insuffisant, observa-t-il.

— Vous plaisantez j’espère, répondit-elle en relevant sa lame. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je viens de vous épargner la vie.

— Ah oui ? Et pourquoi ça ?

— Je veux voir ce que vous avez dans le ventre. (Elle baissa sa lame car elle eut un moment de réflexion.) Et puis, vous n’avez pas d’armure. Ce combat est inégal.

— En effet… Alors que faisons-nous ?

— Pour un combat plus équitable, je vous propose de m’accorder quelques minutes.

Se doutant de ce que ferait son adversaire, l’homme prit un temps de pause. Erika se tourna vers la table et était donc de profil par rapport à son adversaire. Elle posa son épée contre celle-ci. Puis elle posa ses mains sur son casque ; elle eut un moment d’hésitation. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas dévoilé son visage à l’ennemi.

— Mais que fais-tu ?! s’écria Kiki. Il va te tuer si tu retires ton armure !

— Je serais mal avisée si je l’affrontais de cette manière. Il est trop désavantagé. Je n’aurais aucun honneur à l’achever de cette façon. Tu sais te téléporter. Tu devrais déjà partir immédiatement.

— Je ne peux pas, il y a un malade ici que je dois soigner ! »

« C’est vrai » pensa-t-elle. Avec cet intrus Erika avait oublié que Mû était à l’étage inférieur et en grande souffrance. « Alors je ne peux me permettre d’échouer » conclut-elle. Le chevalier enleva son heaume, dévoilant ainsi ses cheveux bruns. Elle le posa sur la table ; enleva ses dagues de ses bottes et les déposèrent également. Elle désangla les parties de son armure d’acier et fit de même. Elle se pencha ensuite en avant pour faire glisser doucement sa cotte de maille. Erika ne remit que son ceinturon par-dessus sa tunique verte à col rond. Elle mit sa main dans sa poche droite et cacha le cristal sous une de ses épaulières. Ce détail n’avait pas échappé à l’ennemi. Puis elle saisit son épée et se remit en position.

« Une femme ? fit-il faussement surpris. Cela explique ta voix aigüe.

— Oui, et alors ? Ne me dites pas que vous êtes du genre galant. Je ne vous croirai pas.

— Hum, et pourquoi ça ? Je pourrais très bien me laisser séduire par votre charme.

— Pour moi un homme violent envers un enfant peut l’être envers une femme. Vous ne m’aurez pas avec vos flatteries ou je ne serais plus digne d’être chevalier. Nous sommes à armes égales désormais, alors en garde ! Et ne retenez pas vos coups ! Ne m’insultez pas !

— Très bien, tu l’auras voulu, répondit-il d’un calme olympien.

L’homme se lança à nouveau vers elle. Erika était sur la défensive, il la fit reculer. Il voulait l’isoler dans un coin mais elle l’avait compris. Alors qu’il levait son bras armé, elle lui donna un coup de pied dans le ventre. Elle contre-attaqua mais l’homme parvint à esquiver ses coups sans la moindre difficulté. « Vous allez cesser de valser oui ! »  s’énerva-t-elle. « Valser avec toi ? Avec plaisir. » Erika ne savait pas si c’était sa réplique ou son calme perturbant qui l’horripila le plus. Elle s’acharna sur lui, à tel point que la lame du katana était sérieusement endommagée. Elle mit un dernier coup et celle-ci se brisa.

— Quelle rage, observa-t-il. C’est surprenant venant d’une femme.

— Cessez de me rappeler mon genre ! lui fit-elle en tendant sa lame. Prenez donc une autre arme. Une plus solide de préférence !

— Vous n’estimez pas m’avoir vaincu ?

— Vous n’êtes pas encore mort.

— J’ignorais que nous étions dans un combat à mort.

— Vous avez dit ne pas vouloir m’épargner tout à l’heure. Vous réservez le même sort au p’tit ?

— Hey ! Je n’suis pas si p’tit que ça ! s’énerva le garçon en se relevant.

— Kiki, la ferme et reste caché ! hurla-t-elle en le regardant.

— Oh bah c’est bon. »

 

Kiki se planqua à nouveau. Toutefois l’homme avait profité de cette petite diversion pour déséquilibrer Erika par un coup de talon au niveau de ses jambes. En chutant, Erika lâcha son arme qui voltigea dans la pièce. Celle-ci retomba lourdement par terre. L’homme se pressa encore vers elle mais la demoiselle tenta de le repousser avec un bon coup de pied. Néanmoins il lui saisit la jambe, la traîna et la projeta de l’autre côté de la pièce. « Quelle force ! » pensa-t-elle le corps meurtri. Il sauta pour lui mettre un coup de pied en pleine tête mais elle parvint à l’éviter. Elle se releva tandis que l’adrénaline montait progressivement. Il enchaîna les coups d’une vitesse affolante. Elle sut parer les premiers mais elle finit par lâcher et se retrouva de nouveau au sol. Il voulut la saisir mais instinctivement elle lui mit un coup de poing en pleine face. Réflexe ? Sûrement parce qu’elle était un peu déroutée. « Je peux me lever moi-même ! » grogna-t-elle. Ni une ni deux, elle se redressa mais elle n’attaqua pas tout de suite. Quelques secondes de répit pouvait lui être profitable alors elle patienta jusqu’à ce que son adversaire décide de contre-attaquer. « Encore debout ? lui fit-il. Plus pour longtemps. » Une petite table carrée lévita dans la pièce en direction de la demoiselle. Erika leva les bras pour se protéger la tête. Le choc fut si violent qu’elle tomba encore. Pensant qu’elle ne serait plus une gêne, l’homme se dirigea posément vers le garçon qui le regardait avec crainte.

« Où l’as-tu caché petit ?

— Je ne suis pas encore à terre, jeune homme ! fit Erika en se relevant.

L’individu se tourna vers son adversaire.

— Tu es plus tenace que je le pensais. Dommage, je vous tuerai tous les deux. Par qui je commence ? Le gamin ?

L’homme se jeta sur Kiki qui se recroquevilla dans le coin. Il leva le poing et frappa vivement. Pourtant il n’avait pas su l’atteindre. Il retenta vainement. Erika avait projeté son bouclier vers le garçon avant que l’homme ne puisse le toucher.

— Tu ne pourras rien lui faire tant que je serai en vie ! Il est protégé par mon bouclier.

— Tu peux protéger la personne que tu désires grâce à ton bouclier ? Impressionnant. Serais-tu prête à mourir pour protéger un enfant qui n’est pas le tien ?

— Je protège les gens qui sont plus faibles que moi, peu importe s’ils sont de ma famille ou pas. Ils ont tous droit à la protection contre des gens comme vous ! Alors je le protégerai.

— Jusqu’à la mort ?

Il y eut un léger blanc.

— Et même au-delà si ça m’est possible. Alors deux options s’offrent à vous. Soit vous partez, soit vous m’affrontez !

L’homme fixait encore Erika. Son visage sembla s’adoucir ; la jeune femme ne comprenait pas. Qu’était-il encore en train de manigancer ? Elle resta sur ses gardes.

— Je ne vois pas pourquoi je partirai de mon temple. Tu peux sortir Kiki.

— Quoi ?! s’écria-t-elle en écarquillant les yeux. Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Comment je t’ai trop bien eu ! fit Kiki en se moquant. Depuis le début je t’ai roulé dans la farine, héhéhé !

— Quoi ?! s’offusqua-t-elle. Pourquoi avoir fait ça ?! Qui êtes-vous ? Et l’homme que j’ai vu en bas ? Il a l’air en triste état. C’est bien Mû, n’est-ce pas ?

— Non, Mû c’est moi. L’homme que tu as vu se nomme Shiryû. Je suis en train de le soigner. Quant à cette mascarade, je voulais savoir à qui j’avais affaire. Les ennemis sont nombreux et pas toujours là où on s’attend à les voir. Et parfois le mal prend l’apparence d’une belle femme. Je voulais savoir ce que tu avais dans le cœur. Je suis ravi de ne pas avoir eu à te tuer, ça aurait été dommage. Mais dis-moi, qui es-tu ? D’où viens-tu et surtout pourquoi cherchais-tu à me voir ? Est-ce pour réparer ton armure ? Elle n’a pas l’air endommagée.

— Je viens des terres de Laethion.

— Laethion ? demanda Mû. Où est-ce ? Je ne connais pas.

— C’est normal, j’ai dû traverser les dimensions pour arriver ici.

Ils furent surpris par cette réponse.

— Les dimensions ? Dans quel but ? questionna le maître.

— Je ne peux en parler devant le p’tit. Je ne voudrais pas l’effrayer.

— Hey ! Bien sûr que si, tu peux ! rétorqua Kiki en levant les bras en l’air. Je suis un chevalier, tout comme mon maître ! Tout à l’heure c’était de la comédie !

— Très bien comme tu veux, répondit Erika en levant les yeux au ciel. Une ombre a traversé la porte de mon univers et s’est introduite chez vous. Il s’agit d’Ugul, un esprit démoniaque, l’esprit du mal. Il faut absolument que je le retrouve avant qu’il ne trouve un corps et que je le ramène dans mon monde. Je suis à sa poursuite mais j’ignore où il est. Je cherche des indices qui pourraient me mener à lui. Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal de votre côté ?

— Malheureusement non.

— Je te l’ai dit, s’interposa Kiki d’un air rieur, la seule chose d’anormale ici c’est toi.

Erika le regarda et le fixa longuement, ce qui le mit mal à l’aise.

— Kiki, veux-tu bien voir comment se porte Shiryû ?

Le petit ne se fit pas prier. Il se téléporta en lâchant un « d’accord ».

— Excuse son caractère espiègle. Il a toujours été ainsi.

— Ce n’est rien, ce n’est qu’un enfant. Je ne vais pas lui reprocher de vouloir s’amuser un peu. Il doit terriblement s’ennuyer ici. Vous vivez seuls ?

— Oui. Mais il nous arrive d’aller voir des amis. Je suis navré de ne pouvoir t’aider davantage.

— Tant pis. Je dois y aller maintenant, mais restez sur vos gardes. Ugul n’est sûrement pas loin.

Le chevalier s’approcha de la table pour renfiler son armure. Néanmoins une main chaude la stoppa dans son geste.

— Non ne pars pas tout de suite.

Erika le regarda droit dans les yeux d’un air interrogateur. Il la relâcha placidement.

— Pourquoi ?

— Tu n’es pas en état de voyager. Repose-toi un peu. Kiki m’a dit que ça fait plusieurs jours que tu parcours ces terres, sans sac de voyage. Peut-être aimerais-tu te rafraîchir un peu.

— Mais, je ne voudrais pas vous déranger.

— Ce n’est pas le cas, c’est moi qui t’invite. Et puis je m’en veux un peu de t’avoir épuisée comme ça. Tu partiras demain, c’est plus sûr. Kiki va ramener l’armure de Pégase, j’ai presque fini de la réparer. Mais je dois continuer de soigner Shiryû, je ne pourrais pas y aller. J’aimerais que tu l’accompagnes. Peut-être que tu trouveras ce que tu cherches. »

Erika avait l’impression qu’elle n’avait pas vraiment le choix. Elle n’aimait pas rester chez les gens comme cela mais elle ne voulait pas offenser son hôte. Alors elle accepta sa proposition à contrecœur. De toute manière, elle n’avait aucune piste. Elle s’éloigna un peu en faisant des rotations d’épaules afin de soulager ses muscles endoloris tout en se massant la nuque. « Je vais vous faire couler un bain, ça vous détendra. » lui fit-il.  Erika fut un peu surprise par cette proposition. Depuis plusieurs jours elle ne faisait plus tellement attention à son apparence. Mû s’éclipsa de la pièce. Erika enleva son ceinturon et le posa sur la table où elle avait déposé son armure. Elle ramassa son épée et fit de même. La demoiselle prit ensuite le cristal qu’elle avait caché. Elle resta un moment à le contempler. Elle n’avait pas encore prit le temps de l’examiner.

Date de dernière mise à jour : 2021-01-26

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