Argol passa dans des chemins sinueux, des chemins dont Desideria ignorait l’existence et parfois l’effet d’optique faisait incroyablement bien son travail. Le chevalier entra dans le palais et demanda une audience avec le Grand Pope. Ce dernier l’accueillit dans la salle du trône et fut surpris de le voir avec une femme sur son épaule.
« Et maintenant vous allez me reposer à terre ? On y est au temple du Grand Pope, vous pouvez me lâcher !
Cette voix était familière au Grand Pope.
— Faut toujours que tu fasses marcher ta grande babaille. (Le chevalier fit glisser la jeune femme devant lui et la tourna vers le chef.) Elle rôdait aux abords du Star Hill Grand Pope.
— Au Star Hill ?! Desideria, tu m’avais promis de ne pas y aller !
— Je ne suis pas montée, je n’aurais jamais su grimper là-haut.
— Peut-être mais en attendant tu as voulu y aller malgré mon interdiction ! Argol, laisse-nous, je dois discuter avec elle.
— Bien sûr.
Le chevalier d’argent s’éloigna. Il jeta un dernier regard à la jeune femme en arborant un sourire moqueur qui sous-entendait « penses à marchander avec lui ». Desideria comprit parfaitement le message et n’apprécia pas du tout. Le chef se leva de son siège en ordonnant à la jeune femme de se retourner. Elle exécuta l’ordre et on sentait bien qu’elle était effrayée. Il se leva en retirant son casque qu’il posa sur son siège. Il fit de même avec son masque puis il s’avança et s’arrêta derrière elle. Que faisait-il ? Il tentait sûrement de l’intimider.
— Elles te plaisent les robes que je t’ai envoyées ?
Sa présence était si pesante pour la demoiselle. Néanmoins elle n’osa pas se retourner tant qu’il ne lui avait pas demandé.
— Oui, c’était bien aimable de votre part. Pourquoi ?
— J’ai autorisé ton transfert chez Camus pour que tu ne te sentes plus seule. Je crois savoir que tu éprouves quelque chose pour lui.
— Où voulez-vous en venir ?
— Je t’ai permis de partager de très beaux instants avec lui. (Il posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. C’était très gênant pour elle.) N’ai-je pas droit à un peu de reconnaissance ?
— Si mais… Je ne voulais pas manquer à ma parole. Quand je suis arrivée face à ce mont, j’ignorais qu’il s’agissait du Star Hill. Je m’en suis rendue compte quand j’ai vu la statue d’Athéna. D'en bas on ne la voit pas tellement bien. Je me suis alors souvenue de vos paroles. Je vous assure que je n’avais pas l’intention de monter là-haut.
— Je veux bien te croire. Je sais que tu es quelqu’un d'honnête.
Il posa ses lèvres sur son cou. Desideria se retira farouchement, elle se tourna et vit enfin son beau visage. Malgré ses cheveux gris il avait de beaux yeux bleus. Néanmoins ils étaient également rouges de sang. Serait-ce à cause d’une fatigue trop présente ? C’était assez effrayant.
— Qu’est-ce que vous faites ?
— Tu ne me laisses pas indifférent Desideria.
La jeune femme ne savait pas comment réagir face au Grand Pope. C'était assez étrange de se retrouver dans cette situation. Il s'avança vers elle et l'embrassa langoureusement. Mais elle le stoppa tout de suite alors que son cœur s'affolait.
— Non je vous en prie, ne faites pas ça.
— Desi', tu hantes mes nuits. Je ne dors plus vraiment. Quand je ferme les yeux c’est toi que je vois dans mes bras.
— Je ne veux pas entendre ça !
Elle s'éloigna de lui toute tremblante.
— Desideria, je t'aime. Tu aurais dû emménager chez moi.
— C'est Camus que j'aime.
— Je suis désolé Desideria, mais Camus ne veut pas de toi.
Cette annonce fut un terrible choc pour la demoiselle.
— C'est faux ! fit-elle les yeux larmoyants.
— Il a fallu que j'insiste pour qu'il t'accueille chez lui. Sinon tu te serais retrouvée dans le temple du Sagittaire. Je ne voulais pas que tu restes seule.
— Non. Vous me mentez.
Elle s'effondra au sol.
— Pose-lui la question. S'il est franc il te répondra la même chose que moi. (Il posa la main sur son épaule.) Ne t'en fais pas, tu pourras revenir chez moi quand tu voudras.
— Pour faire partie de vos concubines ?
— Quoi ? Mais ? Hum, méfie-toi des rumeurs. Certains n’hésitent pas à ternir ma réputation parce qu’ils sont en désaccord avec mes décisions. Je n'ai pas de concubines, juste des dames de compagnie. Néanmoins, je n’ai jamais eu de relations avec elles. Toutefois, si leur présence te gêne, je peux les congédier. Tu seras ainsi l’unique femme de ce palais et celle de mon cœur.
— Pardonnez-moi Grand Pope mais je ne me sens pas bien. Il faut vraiment que je m’en aille.
— Oui je comprends. C’est un coup dur à encaisser.
Elle se releva avec l'aide du Grand Pope. Elle avait les jambes en coton, puis elle se dirigea vers la sortie. Dans les escaliers menant au douzième temple elle éclata en sanglots. Elle s'arrêta et s'assit sur un muret. Sa vue était brouillée par les larmes. Aussi sa détresse fut remarquée assez rapidement. Aphrodite s'approcha en lui demandant pourquoi elle pleurait à chaudes larmes. Elle lui expliqua en quelques mots et entre deux sanglots.
— Il est vrai que Camus est froid de prime abord. (L'homme était navré de la voir dans cet état. Le Grand Pope n'aurait jamais dû lui dire de telles choses. Il tenta de la consoler.) Mais ça ne signifie pas qu'il ne ressent rien pour toi. Prends le temps de te calmer. Regarde, tu trembles comme un poisson hors de l'eau.
— J'aime Camus. J'ai eu le coup de foudre pour lui. Je pensais que ça allait s'estomper au fil des jours mais cet amour a grandi sans que je ne puisse rien contrôler. Et maintenant que j'emménage chez lui j'apprends qu'en réalité il ne voulait pas de moi.
— Tu spécules Desideria. Parles à Camus. Lui seul peut te dire s'il t'aime ou pas.
— Et s'il ne m'aime pas ? Je me sentirais vraiment honteuse de m'être introduite chez lui.
— Te l’a-t-il dit clairement ?
— Non, fit-elle en écrasant ses larmes.
— Alors il n'y a qu'une façon d'en être sûr. Viens je te raccompagne chez lui.
— Il n'est pas là. Il est parti entraîner ses élèves.
— Eh bien, on va le rejoindre et tirer ça au clair.
Aphrodite emmena Desideria à l'arène. Le trajet fut long depuis le temple du Poisson. Milo, qui était aussi à l’arène, les vit arriver et se demanda ce qu'ils faisaient là. L'attitude de la demoiselle était préoccupante. Le Scorpion appela tout de suite Camus à la demande d'Aphrodite. Le Verseau stoppa son entraînement et les rejoignit.
— Desideria ? Mais que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu en larmes ? s'étonna-t-il.
— Le Grand Pope lui a dit que tu ne voulais pas d'elle, expliqua Aphrodite. C'est vrai ?
— Quoi ?! Rectification ! J'ai dit que je ne voulais pas d'elle CHEZ MOI parce que ça représente un risque étant donné les circonstances.
— Je crois que tu devrais discuter sérieusement avec elle, suggéra Milo. Regarde dans quel état il l'a mise.
— Je te prie de croire qu'il aura affaire à moi ! Viens Desideria. On va discuter dans un coin tranquille. (Les deux personnes s'éloignèrent jusqu'à être cachés par un mur.) Desideria, tu ne me déranges pas du tout, loin de là. J'ai dégagé de la place pour toi. Ça veut bien dire que je t'accepte chez moi, non ?
— Il y a une chose que j'ai besoin de savoir.
— Laquelle ?
— Il faut que je sache si mon cœur brûle en vain. Je vous aime Camus depuis le premier jour que je vous ai vu. Mais la distance que vous mettez entre vous et moi me heurte. Dites-moi, est-ce un amour à sens unique ?
Il y eut un blanc assez pesant pour elle. Puis après quelques secondes il se décida à reprendre la parole.
— Ne crois pas que tu m’es indifférente Desideria. Comme tu l’as remarqué, je ne montre rien aux gens. Ils pensent que je reste de glace. Mais cette glace tu l’as fait fondre en un regard. Un regard que je n’ai jamais oublié et que j’aime me remémorer. Depuis je te considère comme ma p’tite Desi’, celle qui a enlevé mon cœur. D’ailleurs Milo l’avait bien remarqué aussi. Je ne te raconte pas les railleries que j’ai eues à ton sujet. Pardonne-moi de ne pas avoir su te le dire avant. Seulement ta présence chez moi m'inquiète. C'est dangereux de vivre avec un chevalier. Je ne voulais pas te faire de mal, d'où ma froideur. Puis je t'ai retrouvé dans ma chambre. Quelle délicieuse audace. Néanmoins je comprends pourquoi tu l'as fait. J'ai été ravi de savoir qu'il s'agissait de toi. Et depuis c’est moi qui te taquine car, comme Milo, j’ai parfois du mal à révéler ce que j’ai sur le cœur.
— Si vous saviez à quel point ça me fait du bien d'entendre ces mots. Là c’est vous qui me faites fondre, j’en ai le cœur qui palpite.
Camus la prit dans ses bras.
— Au fait, tu peux me tutoyer maintenant qu'on partage la même maison.
— Je t'aime Camus.
Il renforça son étreinte tout en lui massant le dos. Elle était encore tremblante malgré ce discours réconfortant. Il prit le temps nécessaire pour qu'elle se sente à nouveau sereine. Il ne s'attendait pas du tout à cela. Il avait prévu de la prendre dans les bras ce soir, se servant du froid comme excuse pour l'enlacer et la réchauffer délicatement. Le Grand Pope avait encore précipité les choses. Il ne pouvait pas se mêler de ses affaires ?! Aphrodite profita de cette accolade pour s’éclipser discrètement.
— Dois-je vous considérer comme un vrai couple maintenant ? questionna Milo. (Desideria s’enleva de l’étreinte de Camus, rouge comme une pivoine.) Trop tard, je vous ai capté.
— Il faut que je reprenne l’entraînement Desi’. Seulement écoute-moi. Ne vas plus voir le Grand Pope, je ne veux pas qu’il te brise.
Elle ne savait pas si elle devait lui parler du baiser que leur chef lui avait donné. La voir dans cet état l’avait déjà suffisamment énervé. Non, il était inutile d’en rajouter une couche. Elle se contenta d’acquiescer.
— Mais s’il me convoque, je serais bien obligée d’aller au palais.
— S’il te convoque tu me le dis. J’irai le voir à ta place. Ça lui fera les pieds. Il ne va pas t’ennuyer longtemps, crois-moi.
— D’accord. Je vais aller à la bibliothèque, je n’ai pas envie de rentrer tout de suite. »
Plus elle était éloignée du Grand Pope et mieux Desideria se sentait. Camus retourna auprès de ses élèves pour continuer leur entraînement. Elle se doutait que le chef avait mal interprété ses paroles. Était-ce volontaire de sa part ? C’était fort probable mais elle n’avait aucune preuve de cela.