Chapitre 8 - Le marché de Phlegyas

Chapitre 18

Malgré la détermination de Queen, ils mirent une bonne heure avant de sortir du labyrinthe. Il fallait éviter les pièges et les précipices. Ils marchèrent vers un lieu plus éclairé. Les deux jeunes gens ne le savaient pas mais Minos n’était pas si loin d’eux. Néanmoins il avait contourné le labyrinthe, empruntant un passage plus facile d’accès, dissimulé dans les roches. Il vit le spectre sortir de l’ombre avec la demi-elfe.

 

« Te voici de l’autre côté du labyrinthe. Je ne peux pas aller plus loin. Je vais devoir retourner à mon poste.

— Tu en as fait suffisamment pour moi, même plus que ce que j’aurais imaginé. (Elle fit quelques pas en avant, puis elle s’arrêta. Elle ne pouvait pas le quitter aussi froidement. Elle retourna vers lui et l’embrassa. L’Alraune fut surpris mais il ne présenta aucune hostilité.) Tu as été très charmant avec moi. Merci.

— Tu as une façon bien chaleureuse de remercier les gens.

Elle baissa les yeux en souriant.

— Cette manière-là est seulement pour toi. C’était très agréable d’être dans tes bras.

Le regard du spectre s’adoucit sans qu’il s’en rende vraiment compte. Son cœur palpitait, il n’avait jamais ressentit une telle chaleur.

— Il faut que tu partes maintenant. Ne perds plus de temps. Une femme comme toi ne devrait pas être ici.

— Mais où est la sortie ? J’espère qu’en revenant sur mes pas je finirai par la découvrir.

— Continue ta route. De l’autre côté du fleuve Acheron, il y a une grande porte. Traverse-la. Par-delà celle-ci se trouve le monde des vivants. Dépêche-toi, j’ignore de combien de temps tu disposes. (Contre tout attente, un sablier apparut devant eux avec une bonne partie du sable qui était écoulé.) Il te reste environ trois heures, c’est encore faisable mais il faut y aller maintenant. (Il la repoussa car il pressentait qu’elle comptait s'attarder davantage près de lui.) Va-t’en !

La demi-elfe recula en fixant ses yeux, elle se retourna et progressa parmi les tombes hurlantes. Elle se boucha les oreilles pour moins entendre leurs lamentations. Minos s’approcha de l’Alraune.

— Tu as passé un bon moment Queen ?

Le spectre de la forêt afficha un air grave. Il n’appréciait pas d’être surveillé de la sorte.

— Je lui ai fait perdre le plus de temps possible, comme me l’a demandé le Seigneur Eaque.

— Oui tu as bien rempli ta mission. Cependant elle avait l’air très attachée à toi, et même trop. Je crois que tu détiendras le plus grand record de perte de temps pour elle.

— Où voulez-vous en venir ? Je ne contrôle pas ses sentiments.

— Tu n’étais pas obligé de l’aider autant. Tu devais simplement lui faire perdre du temps !

— Elle en a gaspillé pas mal. Où est le problème ?

— J’espère que tu n’avais pas l’intention de trop t’enticher d’elle. Parce que quand elle aura réalisé qu’elle a échoué à cause de toi, elle t’en voudra énormément. Si elle t’a embrassé, ce n’est pas pour rien. Dommage, tu vas lui briser le cœur.

— J’ai juste fait ce qu’on m’a ordonné, c'est tout !

— J’espère qu’elle n'est pas amoureuse de toi car dans trois heures, elle sera à mon service. Et je t’interdis de fricoter avec ma servante. Que tu sois sous les ordres de Rhadamanthe ne changera rien à la correction que je te donnerai si tu tournes autour d’elle. J’espère que je me suis bien fait comprendre.

— Aucun problème, nia-t-il. Je peux retourner à mon poste maintenant ?

— Tu devrais y être depuis longtemps. »

 

Queen repartit vers la forêt en prenant le chemin dissimulé, il était plus simple et direct. Alors Minos comptait garder la demi-elfe auprès de lui, à son service ? Les servantes, on n'en manquait pas aux Enfers. Lui-même en serait-il tombé amoureux ? Pour l’Alraune c’était la seule explication possible. Cela justifirait aussi sa tentative d’intimidation. Il espérait… oh oui qu’il espérait qu’Enliana trouve cette sortie incessamment sous peu. Elle avait encore suffisamment de temps pour la rejoindre, sauf si d’autres spectres ralentissaient sa course. Il l’aurait bien rattrapé afin de lui montrer les raccourcis. Cependant s’il faisait cela, non seulement il désobéirait à un juge mais en plus ce serait un outrage envers le Seigneur Hadès. Il ne pouvait se le permettre sinon, c’est lui qu’on jetterait dans le Cocyte.

 

Enliana poursuivit sa route vers la prison suivante. Cela lui paraissait si long de passer d’un bout à l’autre. Une âme avait tenté de l’attraper, la demi-elfe courut au milieu des tombes et arriva jusqu’au marécage noir. Comment traverser cette mare ? Nager ne lui aurait causé aucun problème si Minos ne l'avait pas averti que les âmes l’emporteraient jusqu’au fond pour la noyer. « Phlegyas ! » cria-t-elle. Où peut-il bien être ? S’il est loin, il ne l'entendra sûrement pas. Elle monta sur la roche, située près de l’eau, avec une facilité digne des elfes. « Phlegyas ! » relança-elle en haussant davantage la voix. Mais elle n’eut aucune réponse, rien à l’horizon. Alors qu’elle présentait déjà une mine dépitée, une paire de mains lui attrapa les chevilles et la fit descendre vivement du rocher. Enliana tomba sur le radeau, dans les bras du spectre. Elle se retira rapidement de son étreinte.

 

«  Mais vous êtes dingue, vous m’avez fait peur !

— Flatté que tu te souviennes de mon nom.

— Pourquoi l’aurais-je oublié ?

— Je ne suis pas quelqu’un qui marque facilement les gens. Que veux-tu ? Tu as besoin de traverser ?

— Oui, il faut absolument que j'aille de l'autre côté. Je l’aurais bien fait par mes propres moyens mais Minos m’a déconseillé de le faire.

— Si tu tiens à la vie, en effet. C’est le même principe que l’Acheron, il y a des âmes dans ce marais qui t’inviteraient à leur tenir compagnie. Que m’offres-tu comme droit de passage ?

— Hein ? Mais je ne sais pas si j’ai quelque chose qui pourrait vous convenir.

— Oh si tu l’as, ne t’inquiète pas pour ça.

— Et qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui me permettra de traverser ?

— Un bon gros câlin.

La demi-elfe fut saisie. Une étreinte ? Plaît-il ? Non, c’était sûrement une plaisanterie.

— Très drôle Phlegyas. Sérieusement, que voulez-vous ?

— Un bon gros câlin, répéta-t-il en ouvrant les bras.

— On est aux Enfers, c’est bien ça ?

— Oui.

— Je croyais que les spectres étaient une sorte de démons. Et les démons ne demandent pas de câlin.

— En voilà un raccourci. Rassures-toi, nous ne sommes pas des monstres, juste les gardiens de ce monde. Nous n’avons pas choisi notre destin. Les femmes ici sont inexistantes ou mortes ; et la seule présente en ces lieux, nous n’avons pas le droit d’y toucher. Fais-moi un câlin et je te ferai traverser.

Enliana comprit qu’elle n’avait pas vraiment le choix. Cela ne l’enchantait pas de l’enlacer mais après tout, elle avait embrassé Queen. De ce fait elle accepta son offre et se blottit doucement contre lui.

— Oh attend. (Il enleva son casque, ses protège-bras et le haut de son surplis.) Voilà, maintenant tu peux y aller. (Elle le regarda d’un air amusé.) Bah quoi ? Faut bien que je sente ta présence contre mon corps. Avec mon armure, je ne vais rien ressentir. Allez, viens dans mes bras ma beauté. »

 

 Elle s’avança vers le jeune homme blond aux yeux bleus. Il l’enlaça délicatement, lui caressa les épaules, le dos et se laissa envahir par sa chaleur corporelle. C’était le moment le plus doux qu’il avait vécu. « Gratte-moi le dos, ça me démange » lui dit-il. Elle s’exécuta en lui grattant l’intégralité du dos. « Ouh ça fait du bien » commenta-t-il avec des étoiles dans les yeux. Il lui massa le dos tendrement, elle finit par poser sa tête sur son épaule ; c’était si agréable. « J’aurais au moins connu la chaleur d’une femme » lui fit-il en lui massant le milieu du dos, puis il baissa doucement ses mains vers le sacrum. Enliana trouvait cela limite, mais tant qu’il n’allait pas plus loin, aucun besoin d’être agressive. Et puis il ne l’avait pas encore fait traverser alors il valait mieux rester calme pour le moment. Une chance, il remonta doucement ses mains en la massant jusqu’aux épaules. Ce petit instant savoureux commençait à trop durer et cela perturbait Enliana. Il était bien gentil mais il lui faisait perdre du temps. Il fallait qu’elle lui dise qu’elle avait rempli sa part du marché. Seulement elle avait peur de le mettre en colère. Et s’il changeait d’avis ? La tête de Phlegyas passait par-dessus l’épaule droite de la demi-elfe. S’il avait voulu, il aurait pu lui embrasser le cou, mais cela ne faisait pas partie de leur arrangement. La demoiselle le prendrait sûrement mal. Il descendit son regard le long du dos jusqu’à un endroit de son corps qui lui plaisait beaucoup. Il fit glisser les mains en bas de son tronc, lui massa le bassin mais son objectif se situait un peu plus bas. Il s’y risquerait bien. Elle lui avait massé le dos et le torse de façon très satisfaisante. Quel dommage de se séparer. Il voyait qu’elle commençait à s’impatienter. Sans doute avait-elle peur de le vexer. Ce qu’il ressentait était assez fort. « J’ai envie de te dévorer » lui fit-il d’une voix suspecte. Il passa une de ses mains au niveau de ses fesses et appuya assez fort. Cette fois c’en était trop. Enliana s’enleva vivement de son étreinte.

 

« Mais ça ne va pas non !

— C’est pas ma faute si t’as un joli p’tit cul. Ah, c’est beau ce que je ressens !

-— J’ai rempli ma part, lui fit-elle sèchement. À vous d'accomplir la vôtre.

— D’accord Joli p’tit cul, laisse-moi le temps de remettre mon surplis et je te fais traverser. Rrrhh c’était bon ! »

 

Enliana lui tourna le dos. Pas vraiment un souci pour Phlegyas parce qu’il avait quelque chose à admirer pendant qu’il revêtait son armure. Bizarrement il se sentait léger après ce doux moment, un merveilleux souvenir qu’il gardera de sa vie aux Enfers. Il aurait bien voulu aller plus loin mais malheureusement il ne le pouvait pas. Hadès serait furieux. Il devait lui faire perdre du temps et non abuser d’elle. Avec tout cela, une demi-heure s'envola. Une demi-heure dans les bras d’un type aux mains baladeuses. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire ici pour parcourir un petit bout de chemin ?

Date de dernière mise à jour : 2020-08-19

Ajouter un commentaire

Anti-spam